FJK 003

Bandinelli Baccio (1493-1560)

La Déposition

Date inconnue
198 x 280 mm

Technique
Plume, encre brune et lavis de brun sur papier

Estampille de la Collection P.- J. Mariette (Lugt 2097, cf. Lugt 1852) en bas, à gauche

Provenance

Collection Pierre-Jean Mariette (1694-1774), Paris
Vente, Paris, 15 novembre 1775 au 30 janvier 1776, partie du lot 176 (90 livres)
Collection Sir James Knowles, KCVO
Vente Christie's, Londres, 27 mai 1908, partie du lot 200 (selon une inscription sur le support)
P. & D. Colnaghi, Londres (1961)
Collection particulière
Vente Christie's, Londres, 6 juillet 1999, lot 8
Collection Jan Krugier, Monaco, JK 5701
Fondation Jan Krugier

Expositions

Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, Miradas sin Tiempo. Dibujos, Pinturas y Esculturas de la Coleccion Jan y Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 02.02 - 14.05.2000, cat. 24, p. 78 ; reproduction couleur p. 79;

Musée Jacquemart-André, Paris, La Passion du dessin. Collection Jan Krugier et Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 19.03 - 30.06.2002, cat. 26, pp. 76-77 ; reproduction couleur p. 77;

Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, Munich, Das Ewige Auge - Von Rembrandt bis Picasso. Meisterwerke aus der Sammlung Jan Krugier und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 20.07 - 07.10.2007, cat. 28, p. 72 ; reproduction couleur p. 73.

Notes

Notes (1)

Ce dessin, parmi les toutes dernières acquisitions, provient de l'historien d'art, libraire et marchand d'estampes français Jean-Pierre Mariette (1964-1774), un des plus grands connaisseurs et collectionneurs de dessins ou, comme il le disait lui-même en 1767, propriétaire de l'une des plus belles collections jamais constituées. A sa mort, il laissait presque 10 000 dessins bien classés. Dans le catalogue de vente de F. Basan (Catalogue raisonné des différens (sic) objets de curiosité... que composaient le Cabinet de feu Mr Mariette...), 1338 dessins sont répertoriés, parmi lesquels 697 dessins italiens, les favoris de Mariette.

Selon le catalogue de vente de 1999, notre dessin figurerait dans le lot 176 (Fra Bartolomeo), mais cette indication doit être erronée. On ne le situe pas non plus parmi les dessins attribués à Bandinelli (numéros 143-144). Il est difficile de l'identifier à coup sûr dans le livre, mais la description qui y correspond le mieux me paraît être celle du numéro 389: "Dandi (Julien). Sculpteur Florentin. Trois Sujets divers, dont un Christ mort, porté sur un linceul, fait à la plume & savamment touché" (cf. également le lot 790, attribué à Timoteo Viti (1469-1523), avec un Christ mort aux pieds de la Vierge qui le contemple). Malheureusement, Giuliano Dandi ne figure pas dans les dictionnaires biographiques modernes, or il y eut une grande famille florentine de peintres portant le nom de Dandi, mais ceux-ci vécurent au XVIIe siècle. Le soin que Mariette portait également à la conservation de ses pièces est bien connu, et il faut rappeler qu'il mettait son cachet dans les zones ajoutées et non sur le papier original. La même procédure peut s'observer pour d'autres dessins provenant de sa collection (parmi lesquels ceux illustrés dans le catalogue d'exposition Le Cabinet d'un Grand Amateur, P.J. Mariette, 1694-1774, Dessins du XVe siècle au XVIIIe siècle, Paris, musée du Louvre, 1967, voir par exemple, les numéros 122, 125 et 167).

Ce thème commun de l'art chrétien se distingue par la grande originalité de sa composition, et en particulier par la parfaite symétrie de l'image. Deux vieillards inclinent les épaules et posent les jambes vers l'avant pour contrecarrer et soutenir le corps du Christ étendu sur le linceul. Si ces deux figures herculéennes se levaient, elles seraient beaucoup plus hautes que le crucifié et que les autres personnages du cortège. Il en serait de même avec la Vierge qui se penche vers son fils dans un geste qui complète la symétrie du groupe central et qui oscille entre adoration et présentation. Cette figure rappelle un Abraham berçant l'Innocent sur son sein, tandis que les deux vieillards évoquent des images gothiques d'anges qui élèvent le suaire à la gloire céleste au-dessus d'un saint défunt. Les bras ouverts de Marie feraient également penser à la figure de Dieu le Père bénissant la Vierge lorsqu'elle est arrivée au ciel après son Assomption. Cette composition a été rapprochée d'un dessin de Rossi, l'un des artistes qui a le plus influencé Bandinelli, puis identifiée au Saint Sépulcre que Raphaël a peint pour Atalante Baglioni et qui est aujourd'hui conservé à la Galerie Borghese: la plus fameuse représentation de ce thème de toute la Renaissance. Le dessin de Rossi (Uffici, Florence, 6499F), passé à l'estampe par Agostino Veneziano coïncide avec la présente œuvre dans l'ordonnance des figures en forme de frise, mais manque de toute analogie concrète.

Dans l'œuvre de Raphaël, ni la symétrie de l'image ni les postures individuelles n'apparaissent. Là, les porteurs sont inclinés vers l'arrière, ici vers l'avant. En même temps, il existe un certain parallèle dans la posture un peu estompée du porteur de droite avec l'homme qui présente l'offrande à l'extrême gauche d'un dessin de Bandinelli, représentant une scène de sacrifice (Chatsworth et Ward 1988, cat. 39). A côté se trouve un personnage dont l'attitude ressemble à celle du compagnon de la feuille Krugier-Poniatowski [Fondation Jan Krugier].

Plus que la composition et les échos d'images archaïques, c'est l'habillement de certains personnages qui peut étonner. Le vieillard de gauche ne correspond absolument pas aux types connus d'un Nicomède et d'un Joseph d'Arimathie, dignitaires juifs qui assistèrent à la mise au tombeau. Sa nudité quasi complète le rapproche encore plus des images d'un Atalante païen et nous rappelle que Bandinelli était d'abord sculpteur. Derrière ce géant se tiennent deux hommes barbus qui ressemblent davantage à des prophètes qu'à des apôtres; ceux-ci - à l'exception du disciple préféré - semblent être absents des derniers moments de la vie de Jésus. Encore plus à gauche, est ébauchée la silhouette d'un guerrier coiffé d'un heaume très élaboré; les soldats ne semblent pas non plus faire partie de l'iconographie de la scène. En même temps, la traditionnelle image juvénile de saint Jean-Baptiste est absente. Pour les six autres personnages, répartis en groupes, il semble s'agir des saintes Femmes dont seulement trois participent au programme iconographique traditionnel. Au fond, un grand arbre remplace la vue du Golgotha avec ses croix. L'exécution du dessin rappelle immédiatement la fameuse manière de Bandinelli: rayures denses, légèrement ascendantes vers la droite, créant des ombres profondes. Cependant, il présente certaines particularités car les raies sont plus droites et douces que d'habitude, et non pas répétées aux extrémités. D'autre part, la direction des tracés est moins uniforme que de coutume, créant dans certaines zones un réseau très complexe de lignes qui s'entrelacent. Cependant, manquent les raies du fond et les ondulations nerveuses. Certains détails sont difficiles à lire, en particulier la forme exacte des costumes des deux porteurs, et la partie inférieure des vêtements de la Vierge qui semble avoir subi une correction. Enfin, la maestria de l'artiste attire l'attention sur les têtes du fond par des raies et des contours sommaires: la composition se termine également à droite par ce type de rayures.

Matthias Weniger, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, pp. 76-77

 

Notes (2)

Ce dessin appartient à la première période de Bandinelli, période pendant laquelle l'influence de Rosso Fiorentino est très prononcée. Un dessin de Rosso Fiorentino actuellement conservé aux Offices et gravé par Agostino Veneziano en 1517 est à rapprocher de cette composition (E. Carroll, Rosso Fiorentino, in cat. exp. National Gallery of Art, Washington, 1987, p. 54, fig. 2a). Toutefois, il semblerait que ce présent dessin soit directement inspiré d'une œuvre de Raphael exécutée en 1507, La Mise au Tombeau de la Galerie Borghese à Rome (Commande d’Atalante Baglioni pour la Chapelle de cette même famille à San Francesco de Pérouse). Cette œuvre fut gravée par Marcantonio Raimondi vers 1516.

Christie's, Old Master Drawings, London July 1999 (traduit de l’anglais)

Demande d'information/de prêt

La Fondation Jan Krugier se consacre au rayonnement de la collection de dessins en prêtant régulièrement des œuvres pour des expositions. Les demandes de prêt devront comporter une présentation complète du projet.