FJK 133

Watteau Antoine (1684-1721)

Deux Vieillards grimaçants, vus en buste

Vers 1714 (?)
178 x 183 mm

Technique
Sanguine sur papier

Estampille de la Collection J. Gigoux en bas, à gauche (Lugt 1164)
Estampille de la Collection Desperet en bas, à droite (Lugt 721)

Provenance

Collection Baron Dominique Vivant-Denon (1747-1825), selon le catalogue
de la vente Gigoux
Collection Etienne Desperet (dit Auguste Desperet) Lyon, Paris (1804-1865)
Sa Vente après décès, Hôtel Drouot, Paris, 7-10 juin 1865, probablement partie
du no 530 (13 francs)
Collection Jean-François Gigoux, Paris (1806-1894)
Vente, Hôtel Drouot, Paris, 20-23 mars 1882, no 768 (31 francs à Féral)
Collection Camille Groult (1837-1908)
Collection Jean Groult, son fils (1868-1951)
Collection Pierre Bordeaux-Groult, Paris (par descendance)
Sa Vente, Ader Picard Tajan, Palais d'Orsay, Paris, 14 décembre 1979, lot 13
Collection Jan Krugier, Monaco, JK 4075
Fondation Jan Krugier

Bibliographie

PARKER K.T., MATHEY J., Antoine Watteau, Catalogue complet de son Oeuvre dessiné, Tome I, F. de Nobele, Paris, 1957, no 298 reproduit;

ROSENBERG Pierre, PRAT Louis-Antoine, Antoine Watteau 1684-1721, Catalogue raisonné des dessins, Tome III, no R 174, pp. 1196-1197 repr. n/b.(comme attribué à Watteau);

DÜCKERS Alexander, Linie, Licht und Schatten, Meisterzeichnungen und Skulpturen der Sammlung Jan und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, G & H Verlag, Berlin, 1999, PARKER K.T., MATHEY J., Antoine Watteau, Catalogue complet de son Oeuvre dessiné, Tome II, F. de Nobele, Paris, 1957, no 923 reproduit;

ROSENBERG Pierre, CAMESASCA Ettore, Tout l'oeuvre peint de Watteau, Paris, 1970, p. 169 et note 6;

GRASSELI Margaret Morgan, The Drawings of Antoine Watteau, stylistic development and problems of chronology, Cambridge Harvard University, 1987, Vol. 1, p. 305;

ROSENBERG Pierre, PRAT Louis-Antoine, Antoine Watteau 1684-1721, Catalogue raisonné des dessins, Tome I, 1996, Gallimard/Electa, no 247, pp. 396-397 repr. couleur;

DÜCKERS Alexander, Linie, Licht und Schatten, Meisterzeichnungen und Skulpturen der Sammlung Jan und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, G & H Verlag, Berlin, 1999, Catalogue raisonné, p. 420 repr. n/b;

RYLANDS Philip, The Timeless Eye. Master Drawings from the Jan and Marie-Anne Krugier-Poniatowski Collection, G & H Verlag, Berlin, 1999, Catalogue raisonné, p. 419 repr. n/b.

Expositions

Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, Miradas sin Tiempo. Dibujos, Pinturas y Esculturas de la Coleccion Jan y Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 02.02-14.05.2000, cat. 65, p. 162; reproduction couleur p. 163;

Musée Jacquemart-André, Paris, La Passion du dessin. Collection Jan et Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 19.03-30.06.2002, cat. 58, p. 140; reproduction couleur p. 141;

Hypo-Kulturstiftung, Munich, Das Ewige Auge - Von Rembrandt bis Picasso. Meisterwerke aus der Sammlung Jan Krugier und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 20.07 - 07.10.2007, cat. 58, p. 132; reproduction couleur p. 133.

Notes

La rapidité et l'assurance avec lesquelles l'artiste a su capter son objet, l'habilité et la subtilité avec lesquelles il manie son outil, font des quelque sept cents dessins connus de Watteau, parmi lesquels une grande partie sont des sanguines, des œuvres majeures dans ce domaine.

Il s'agit tout d'abord de croquis de figures masculines et surtout féminines, mais également de copies de peintures italiennes, hollandaises et flamandes, en particulier d'œuvres de Rubens, de portraits de gens simples, dits les Savoyards, d'études de nus humains, d'animaux, quelques très rares paysages, de projets décoratifs.

La rareté du dessin exposé ici, qui appartient à un tout petit groupe de caricatures, lui donne son importance: à celui-ci, il faut ajouter un dessin de Venise (cf. Rosenberg et Prat 1996, RP 665), la gravure de Pood de 1737 d'après une image ridicule du médecin de comédie Misaubin (RP G 193), l'unique caricature connue de Watteau, ou le curieux portrait d'un religieux (Parker et Mathey 1957). Parker et Mathey connaissaient en 1957 cinq dessins de ce genre, alors que les recherches ultérieures de Nordenfalk, Grasselli et également de Rosenberg et de Prat ont réduit ce groupe à tout au plus deux œuvres : celle-ci et l'envers d'une étude d'ornementation se trouvant aux Offices de Florence (inv. 8369 S. PM 236-924/RP3369; cf. PM 191/RP R 80, PM920/RP R 494, PM921/RP R 498). Tout d'abord rejeté par Parker (dans une note de l'article de Nordenfalk) et par Rosenberhg (1970, p 169), elle a été réattribuée à Watteau, en s'appuyant essentiellement sur le dessin Krugier-Poniatowski [Fondation Jan Krugier].

Grasselli a écrit avec une certaine justesse que même les deux protagonistes semblent se répéter parmi les quatre de Florence. Elle décrit le folio florentin, annonçant Goya, comme une face obscure de l'art et de la psychologie de Watteau qui n'apparaît dans aucune autre œuvre. Bien que le dessin annonce de fait les caricatures d'un Daumier, il faut compter avec l'utilisation de modèles préexistants.

Parker et Mathey ont vu en notre dessin un rapport avec la copie libre de la Marena de Sileno, de l'atelier de Rubens à Londres, attribution contestée à Watteau et où apparaissent des personnages ressemblants sans pour autant pouvoir établir un rapport (National Gallery of Art, Washington, inv. 1991.22.1; PM 259/RP R 383; Antoine Coypel?); tandis que pour Rosenberg et pour Prat il rappelle bien le monde de Brouwer et de Teniers. Dans le cas de Florence, et malgré le violon tenu par la figure du fond, il faudra peut-être remonter encore davantage dans le temps et penser aux scènes fantastiques de Bosch ou de Massys. En fait, les quatre figures moyennes de Florence qui regardent avec une expression obstinée et fanatique la feuille dans les mains du personnage central, pourraient être des accusateurs juifs sortis d'un Ecce Homo. Leurs coiffures et leurs gestes confirment cette hypothèse. Le personnage de droite pourrait également représenter un soldat romain. Si l'on accepte cette interprétation, le dessin florentin démontrerait l'intérêt de Watteau pour les expressions exagérées, mais ne signifierait pas qu'il aurait directement entrepris l'étude de ces effets, et encore moins supposer les préparatifs d'une peinture.

Même si le dessin Krugier-Poniatowski [Fondation Jan Krugier] reproduit les faces laides et défigurées, les bouches édentées et même jusqu'à un certain point, les traits du croquis florentin, le contexte est beaucoup moins évident. Ainsi, les regards paraissent-ils davantage niais et apathiques qu'agités, et correspondent à la posture du personnage présenté en buste. Un peu semblable dans l'amertume et dans les traits, c'est la figure d'un croquis dans une collection parisienne (PM 922/RP 369, Collection privée, New York). La fermeté, la rapidité et l'économie du trait ainsi que l'application énergique des raies, très larges et orientées principalement à la verticale, qui remplacent les ombres plus contrastées des autres artistes, sont typiques de Watteau. Ces caractères sont moins accusés dans les trois dessins rejetés par Rosenberg et Prat, car ils ont un tracé plus arrondi. Chacun d'eux représente un personnage en pied et en habits d'époque, il s'agit de caricatures proprement dites. Les tentatives de Nordenfalk et Grasselli de rendre ces œuvres à l'école vénitienne semblent avoir réussi.

Matthias Weniger, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, pp. 140-141

Demande d'information/de prêt

La Fondation Jan Krugier se consacre au rayonnement de la collection de dessins en prêtant régulièrement des œuvres pour des expositions. Les demandes de prêt devront comporter une présentation complète du projet.