FJK 112

Rubens Peter-Paul (1577-1640)

Etude anatomique

ca. 1606-1608
273 x 192 mm

Technique
Sanguine sur papier filigrané (Fleur de Lys au-dessus d'un M)
(cf. Briquet 7307, Mantua 1575)

Inscriptions tardives au verso "he was Given", "exen" et "EV" (?)

Provenance

Collection Pierre Crozat, Paris (?)
Collection Sir Roger Newdegate, Grande-Bretagne
Collection particulière, Grande-Bretagne (par descendance)
Vente, Christie's, Londres, 6 juillet 1987, lot 60
Collection Jan Krugier, Monaco, JK 4351
Fondation Jan Krugier

Bibliographie

JAFFE Michael, Rubens's Anatomy Book, Old Master Drawings, Christie's Londres, 6-7 juillet 1987, pp. 58ff, ill; GOLDNER G.R., HENDRIX L. (en collaboration avec PASK Kelly), The J. Paul Getty Museum, European Drawings, Vol. 2, (Inventory), Malibu, 1992, mentionné sous le no 85.

Expositions

Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz, Berlin , Linie, Licht und Schatten. Meisterzeichnungen und Skulpturen der Sammlung Jan und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 29.05 - 01.08.1999, cat. 40, p. 94; reproduction couleur p. 95;

Peggy Guggenheim Collection, Solomon R. Guggenheim Foundation, Venise, The Timeless Eye. Master Drawings from the Jan and Marie-Anne Krugier-Poniatowski Collection, 03.09-12.12.1999, cat. 43, p. 100; reproduction couleur p. 101;

Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, Miradas sin Tiempo. Dibujos, Pinturas y Esculturas de la Coleccion Jan y Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 02.02-14.05.2000, cat. 47, p. 126; reproduction couleur p. 127;

Musée Jacquemart-André, Paris, La Passion du dessin. Collection Jan et Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 19.03 - 30.06.2002, cat. 43, p. 110; reproduction couleur p. 111;

National Gallery, Londres, Rubens. A Master in the Making, 26.10.2005-15.01.2006, cat. 40, p. 102; reproduction couleur p. 106;

Hypo-Kulturstiftung, Munich, Das Ewige Auge - Von Rembrandt bis Picasso. Meisterwerke aus der Sammlung Jan Krugier und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 20.07 - 07.10.2007, cat. 45, p. 106; reproduction couleur p. 107.

LÉVY Bernard-Henri, Les Aventures de la vérité. Peinture et philosophie : un récit, Fondation Maeght et éditions Grasset, 2013, p. 227.

Notes

Notes (1)

Ce dessin de nu masculin appartient à un groupe de onze études anatomiques qui ont été vendues chez Christie's. Elles montrent des corps masculins partiellement en mouvement, séparés ou en groupe, ainsi que des études individuelles de pieds et de mains. L'accent est mis sur la représentation des muscles et des tendons. La plupart ont été exécutées à la plume, à l'exception de trois d'entre elles qui sont des fusains ou des sanguines.

C’est Michael Jaffé qui a attribué ce groupe de dessins à Rubens et il avait déjà établi un rapport entre quatre d'entre eux et un projet de livre d'anatomie du maître d'Anvers (cf. 1966, pp. 38-9 et 42-3). La principale raison de cette attribution, en dehors de toute considération stylistique, est l'étroite relation entre ces feuilles et des œuvres documentées de l'atelier de Rubens: le groupe le plus important, dit Rubens Cantoor, conservé au cabinet des dessins de Copenhague, comprend des feuilles qui sont des copies exécutées d'après les originaux redécouverts en 1987.

Willem Panneels, qui a travaillé dans l'atelier de Rubens pendant un certain temps, a noté sur certains dessins qu'ils ont été exécutés d'après le livre d'anatomie du maître uit den annotomibock van rubbens (Garff/de la Fuente Pedersen, 1988). Des études anatomiques similaires se retrouvent dans les gravures de Paulus Pontius, un graveur qui travaille aussi au sein de l'atelier de Rubens; ils ont été publiés entre 1640 et 1658, après la mort du maître d'Anvers, dans le manuel de dessin d'Alexandre Voet. Rubens est également mentionné sur le frontispice en tant qu'auteur de gravures anatomiques ("Petrus Paulus Rubbens delineavit"). Jaffé conclut que ces dessins étaient destinés au livre d'anatomie laissé inachevé et qu'ils sont de la main du maître.

L'attribution de ce groupe a été acceptée malgré sa singularité (Goldner/Hendrix, 1992 et Mullet 1993). Seul Garff a émis des doutes et suggéré de les attribuer à Bartolomeo Passarotti et Paulus Pontius (Garff/de la Fuente Pedersen, 1988, pp. 79ff). En dehors du fait que les copies d'époque et les gravures donnent Rubens comme auteur, le trait vigoureux et décidé de ces feuilles plaide en faveur d'une telle attribution. Les dessins à la sanguine, y compris celui-ci peuvent être comparés aux études d'après l'antique, également à la sanguine et plus particulièrement, le groupe du Laocoon (Held, 1986, n° 34-6).

Dans ces dessins, on retrouve le modelé de Rubens avec ses hachures croisées et parallèles qui structurent l'anatomie humaine. De même que dans les études à la plume, les lignes créent une uniformité proche de celle de la gravure et reflétant peut-être la volonté de Rubens de les graver. Les études d'après l'antique datent des années 1605 et 1608, pendant son second séjour à Rome. Les dessins anatomiques peuvent être contemporains ou bien datent-ils du début de son séjour à Anvers, juste après son retour de Rome, entre 1608 et 1610.

La représentation de l'anatomie humaine à cette époque n'était pas due à la connaissance intérieure du corps humain, mais à l'étude des statues antiques. Les plus appréciées étaient celles à la musculature la plus développée et présentant les mouvements les plus vigoureux, comme l’Hercule Farnèse ou le Laocoon.

Les illustrations des livres d'anatomie d'Andrea Vesalius (1543) et de ses disciples étaient une source supplémentaire d'inspiration. A l'époque, les figures d'écorchés étaient également répandues (cf. Muller 1993). En ce qui concerne la feuille [Fondation Jan Krugier], la pose du corps évoque un écorché du Gladiateur Borghese, l'une des statues antiques les plus populaires aux XVIe et XVIIe siècles.

Holm Bevers, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, op. cit. p. 110

 

Notes (2)

Quelle va être la première tentation du peintre libéré, par le "coup de Véronique" de l'interdit iconoclaste? Peindre la beauté du monde, sans doute. Celle de ses reflets comme s’ils n’étaient plus seulement des reflets. Celle de ces simulacres, de ce chatoiement infini des choses, qui se trouvent brusquement réévalués. Mais aussi peindre l’homme. L’homme lui-même. L’homme dans ce qu’il a de plus précieux, de plus obscur, de plus intime. Peindre cette humanité de l’homme dont on pensait qu’elle était entre les mains des dieux et que c’était péché de vouloir la leur reprendre. De là, à la Renaissance, cette épidémie d’écorchés qui vont envahir l’atelier des artistes. Et de là, chez Rubens, le peintre par excellence de la gloire de la chair, ce portrait d’un homme vieux et nu, mélange de plaies à vif, de protubérances musculaires et d’excroissances, presque une erreur de la nature, mais non, c’est ainsi que sont les hommes et c’est cela qu’il faut dessiner – de là, cette silhouette monstrueuse de vieillard body-buildé, bras levé, implorant on ne sait quelle pitié, peut-être celle du Ciel, peut-être, comme chez Delacroix, celle de Dante et de Virgile, derniers intercesseurs possibles sur le chemin pavé de l’Enfer, peut-être juste celle de ce dessin qui l’excise, le fouille et le fouaille, le tue à petit feu et lui a déjà fait son masque de vanité. Dessin, d’ailleurs, n’est pas le mot. Rubens dit étude. Et la nuance est importante. Car elle dit cette ambition de connaissance qui anime désormais la main du peintre. Elle dit cette science des matières qui va être son second métier. Comparez avec son exact contemporain, René Descartes. Le philosophe en est encore aux animaux machines. Lui, Rubens, en est déjà aux hommes machines – cette machine qui gît au creux de la grande chair amoureuse féminine, ou des corps soi-disant glorieux des hommes violeurs et enleveurs de belles. Il ne crie pas sur les toits, naturellement. Le dessin, c’est souvent – et ici particulièrement – la vie cachée des peintres, leur enfer au sens de l’enfer des bibliothèques, leur œuvre scandaleuse, impossible à montrer (interdite, mais en ce sens – nouveau – qu’elle en dit trop !). La pièce, cependant, est là, puissante et vraie, qui dit l’envers sombre de l’humain, ce monstre qu’est le corps et qui, lui aussi, gouverne l’âme.

Bernard-Henri Lévy, Les Aventures de la vérité, op. cit., p. 227

Demande d'information/de prêt

La Fondation Jan Krugier se consacre au rayonnement de la collection de dessins en prêtant régulièrement des œuvres pour des expositions. Les demandes de prêt devront comporter une présentation complète du projet.