FJK 101

Poussin Nicolas (1594-1665)

Moïse défendant les filles de Jethro (recto)

Vers 1647
126 x 287 mm /126 x 96 mm (v. fragment de droite)

Technique
Plume, encre brune, lavis de brun (recto)
Plume, encre brune et restaurations à la pierre noire (verso)
Il s'agit de deux dessins sur deux feuilles différentes accolées verticalement

Traces de trait d'encadrement de la main de Poussin, à la plume et encre brune, en bas, à droite et en haut, à gauche
Au verso du fragment de droite : "Etude d'un groupe de figures féminines"
Au verso du fragment de gauche : quelques recherches pour la même composition

Provenance

Ancienne Collection Paul (1811-1902) et Hippolyte (1809-1864) Flandrin
Vente, Hôtel Drouot, Paris, 2 octobre 1985, lot no 139 (reproduit et en couleur, en couverture (partie gauche du recto)
Collection Jan Krugier, Monaco, JK 4074
Fondation Jan Krugier

Bibliographie

GOLDFARB H., From Fontainebleau to the Louvre. French Drawings from the Seventeenth Century, cat. exp. The Clevenland Museum of Art, 1989, mentionné sous le no 20 (fig. 20a ill.);

ROSENBERG Pierre, PRAT Louis-Antoine, Nicolas Poussin, Catalogue raisonné des dessins, Tome I, 1994, Leonardo Editore, Milano, cat. 304, pp. 590-591 repr.

Expositions

Galeries nationales du Grand-Palais, Paris, Nicolas Poussin 1594-1665, 27.09.1994-02.01.1995, cat. 157, p. 370 repr.;

Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz, Berlin, Linie, Licht und Schatten. Meisterzeichnungen und Skulpturen der Sammlung Jan und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 29.05-01.08.1999, cat. 42, p. 98; reproduction couleur p. 99;

Peggy Guggenheim Collection, Solomon R. Guggenheim Foundation, Venise, The Timeless Eye. Master Drawings from the Jan and Marie-Anne Krugier-Poniatowski Collection, 03.09-12.12.1999, cat. 54, p. 122; reproduction couleur p. 123;

Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, Miradas sin Tiempo. Dibujos, Pinturas y Esculturas de la Coleccion Jan y Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 02.02-14.05.2000, cat. 54, p. 140; reproduction couleur p. 141;

Musée Jacquemart-André, Paris, La Passion du dessin. Collection Jan et Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 19.03-30.06.2002, cat. 50, p. 124; reproduction couleur p. 125;

Hypo-Kulturstiftung, Munich, Das Ewige Auge : Von Rembrandt bis Picasso. Meisterwerke aus der Sammlung Jan Krugier und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 20.07 - 07.10.2007, cat. 56, p. 128; reproduction couleur p. 129.

Notes

Plusieurs tableaux perdus de Poussin, et qui n'étaient plus connus que par des gravures, sont réapparus au cours de la dernière décennie: ainsi la Sainte Famille à l'éléphant, la Sainte Françoise romaine récemment acquise par le Louvre, la Fuite en Égypte dite au voyageur couché, ou encore, tout récemment une Sainte Famille avec quatre figures, gravée par Vouillemont. Mais, au moins deux chefs-d'œuvre de la maturité manquent encore à l'appel: Le Temps et la Vérité peint pour Rospigliosi et le Moïse défendant les filles de Jethro connu par deux gravures, dues à Antoine Trouvain et à Guillaume Vallet, peintures que Jacques Thuillier situe vers 1645-1647.

Cette dernière œuvre a du retenir longtemps Poussin, car c'est l'une de celles pour laquelle on connaît le plus de dessins préparatoires : quatre études d'ensemble et trois de détail. Quant au sujet, il avait tout pour séduire un artiste concerné par les thèmes de la prédestination et du libre arbitre, en même temps qu'il illustrait l'un des topos de la Bible, le conflit entre pasteurs nomades et sédentaires. C'est en effet au chapitre II de l'Exode (versets 15-21) que Moïse, arrivé au puits de Madian, prend la défense des sept filles de Jethro - dont l'une, Sephora deviendra son épouse - contre des pasteurs qui les empêchaient de tirer l'eau.

Poussin a sans doute exécuté un premier dessin d'ensemble, perdu, qu'il précisa dans ses études de détail conservées à Providence (Rosenbeg-Prat, 1994.300) et à Moscou (id. 302) qui concernent le groupe d'hommes luttant. Le sujet l'occupait sans doute depuis longtemps, car on peut situer vers 1636-1640 un dessin de Windsor (id. 137) qui montre un sujet bien proche : un pasteur effrayant les filles de Jethro, mais sans que la figure de Moïse y soit évoquée. Un second dessin de Windsor (id. 301), vers 1646, propose une première mise en place avec tous les protagonistes. Mais la composition reçut une ordonnance autrement plus rigoureuse dans le grand et célébrissime dessin du Louvre (id. 303), sorte de long bas-relief où sont disposées, de gauche à droite, les sept jeunes filles; l'une d'elles, debout devant une colonne, est comme statufiée, pareille à ces "belles filles de Nîmes" dont Poussin parle dans une lettre à son ami Fréart de Chantelou, le 20 mars 1642, les comparant aux "belles colonnes de la Maison Carrée, vu que celles-ci ne sont que de vieilles copies de celles-là". A droite du dessin, Moïse combat trois bergers, alors qu'un quatrième apparaît derrière le puits.

Le dessin Krugier-Poniatowski [Fondation Jan Krugier] (id. 304) reprend cette disposition en bas-relief, tout en variant légèrement les relations entre les figures, mais en maintenant l'importance formelle de celle qui se tient devant la colonne. À droite du puits, dans le groupe des combattants les variantes ne sont guère considérables. Mais il s'agit ici d'un dessin différent de celui qui constitue la partie gauche de la composition. Sans doute Poussin a-t-il lui-même rabouté ensemble deux fragments, sans d'ailleurs se soucier de leur cohésion (les paysages à l'arrière-plan ne coïncident absolument pas), pour essayer un nouveau rythme dans ses majestueux groupements, rythme qui sera bien plus resserré dans le dernier des dessins d'ensemble connus, conservé au Fogg Art Museum de Cambridge (id. 305).

Le rapprochement physique de deux feuilles à l'origine éloignées l'une de l'autre est encore plus évident au verso: la partie droite présente une très émouvante étude pour le groupe des sœurs (dont celle agenouillée le bras tendu, attitude qui n'apparaissait dans aucun des dessins précédents, mais que l'on retrouvera dans la gravure de Trouvain), bien plus compacte qu'au recto.

On retrouvera le même effet de concentration, avec bien des variantes au verso d'une recherche de même époque pour Moïse sauvé des eaux, conservé au Louvre (id. 306) et qui présente plusieurs arrangements différents du même groupe. Les deux versos sont exécutés de la fameuse "main tremblante" dont Poussin fut affecté épisodiquement, probablement dès la fin du séjour parisien de 1640-1642. Parmi les rares dessins de Poussin encore en mains privées (trente cinq connus à ce jour; il n'en est apparu que deux depuis la parution de notre corpus en 1994), le dessin Krugier [Fondation Jan Krugier] demeure l'un des plus importants; si l'on peut déplorer le peu de soin que Poussin a pris en rapprochant ses deux fragments, dont celui de droite est bien davantage saturé de lavis brun, cet effet de déséquilibre est plus que compensé par la vivacité de l'écriture et l'autorité à la fois large et précise du graphisme, particulièrement dans les nobles développements de la partie gauche.

Louis-Antoine Prat, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, pp. 124-125

Demande d'information/de prêt

La Fondation Jan Krugier se consacre au rayonnement de la collection de dessins en prêtant régulièrement des œuvres pour des expositions. Les demandes de prêt devront comporter une présentation complète du projet.