Dubreuil Toussaint (1561-1602)

Le dessin était anonyme dans la "Collection de dessins anciens des écoles françaises et étrangères des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles": "Dessins originx[aux]: des plus fameux, Peintures, Rassemblez par M. Desmarais : 1729". Desmarais était un peintre actif à Paris au début du XVIIIe siècle; il collectionna des feuilles du XVIe au XVIIIe siècles. La marque "D" que l'on trouve sur les dessins qui lui avait appartenus n'est pas la marque de ce collectionneur, mais celle apposée par les experts lors de la vente à Paris en 1984.

La technique à la plume avec ses hachures parallèles ou entrecroisées, rappelle celle de la gravure. Toussaint Dubreuil l'a utilisée dans un certain nombre de feuilles conservées au département des Arts graphiques du musée du Louvre et aussi dans Le Narcisse d'une collection privée romaine (Béguin, 1985, fig. 15).

Parmi les feuilles conservées au Louvre, particulièrement intéressantes sont les études de tête peut-être destinées aux figures d'une Cène (Le Christ, Inv. 26 256 et deux Têtes d'apôtres Inv. 26 257 et Inv. 26 287). La tête provenant de la collection Desmarais s'en rapproche beaucoup. Cependant les études du Louvre, méticuleusement finies, sont de plus grand format et paraissent se rapporter à un projet différent.

Le réalisme si expressif de la tête du Desmarais diffère sensiblement de la recherche d'idéalisation du Christ du Louvre. Mais elle offre une analyse assez frappante, en dépit de petites variantes dans la chevelure, avec la tête du Christ du Noli me tangere de Pierre Fatoure, gravée d'après Dubreuil, spécialement si la gravure est inversée par rapport au projet original; ce rapprochement a été proposé dans un article dédié à Philip Pouncey qui s'intéressait beaucoup à l'art de Dubreuil (Béguin, 1985, p. 761, fig. 24). Cette manière particulière de dessiner de Dubreuil est influencée par les dessins de Michel-Ange qui furent bien connus en France au XVIe siècle (Joannides, 1994). Toussaint Dubreuil la pratiqua très tôt, comme le prouve le Saint Christophe de 1588 du Louvre (reproduit in Béguin, 1985, fig. 16). Ses dessins furent célèbres et copiés: la Bibliothèque nationale conserve sous le nom de Passarotti, une copie de la Tête d'apôtre du Louvre.

Ce sont probablement des dessins de ce type auxquels fait allusion Henri Sauval quand il raconte que Dubreuil "était si grand dessinateur que Claude Vignon, peintre, a vendu à Rome de ses dessins à F. Bacianze, excellent sculpteur, que celui-ci prenait pour des Michel-Ange" (Sauval, 1, p. 33).

Sylvie Béguin, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, p. 106