FJK 081

Lorrain Claude (Claude Gellée dit) (1600-1682)

Cascade à Tivoli

Vers 1635-1640
412 x 260 mm

Technique
Esquisse préparatoire au fusain, plume et encre brune, lavis de brun. Rehauts de blanc sur papier gris bleu.

Inscription tardive, en bas à droite : "Claudio Lorenese"
Inscription (?) au verso (centre)

Provenance

Collection particulière, Grande-Bretagne
Vente Christie's, Londres, 7 juillet 1998, lot 176
Collection Jan Krugier, Monaco, JK 5590
Fondation Jan Krugier

Bibliographie

ROETHLISBERGER Marcel, New Works by Tassi, Claude and Desiderii", Apollo, août 1984, p. 96, note 14, pl. III (The Rocks of Tivoli).

Expositions

Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz, Berlin, Linie, Licht und Schatten. Meisterzeichnungen und Skulpturen der Sammlung Jan und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 29.05-01.08.1999, cat. 43, p. 100; reproduction couleur p. 101;

Peggy Guggenheim Collection, Solomon R. Guggenheim Foundation, Venise, The Timeless Eye. Master Drawings from the Jan and Marie-Anne Krugier-Poniatowski Collection, 03.09-12.12.1999, cat. 56, p. 126; reproduction couleur p. 127;

Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, Miradas sin Tiempo. Dibujos, Pinturas y Esculturas de la Coleccion Jan y Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 02.02-14.05.2000, cat. 55, p. 142; reproduction couleur p. 143;

Musée Jacquemart-André, Paris, La Passion du dessin. Collection Jan et Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 19.03-30.06.2002, cat. 52, p. 128; reproduction couleur. p. 129;

Hypo-Kulturstiftung, Munich, Das Ewige Auge - Von Rembrandt bis Picasso. Meisterwerke aus der Sammlung Jan Krugier und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 20.07-07.10.2007, cat. 54, p. 124; reproduction couleur p. 125.

Notes

Les rochers et les cascades de Tivoli, comme le site pittoresque tout entier de cette petite bourgade de collines près de Rome, avec le célèbre parc de la villa d'Este, furent pour les peintres le lieu privilégié de la découverte de la nature en Italie, depuis le début du XVIIe siècle jusqu'aux maîtres romantiques allemands, Joachim Von Sandrart, l'ami de Claude à Rome et son premier biographe, décrit à plusieurs reprises leurs excursions de 1629 à 1635: "enfin il me rencontra lorsque je fus en train de peindre à Tivoli, dans les rochers sauvages près de la célèbre cascade, et il vit que je peignis d'après nature et que je fis beaucoup d'œuvres d'après la nature même et non pas d'imagination, ce qui lui plut à un tel degré qu'il s'empressa d'adopter la même manière". Le site précis de ce dessin avec le pont, les rochers et une partie de la chute d'eau, est bien connu et réapparaît chez beaucoup de peintres, dont Poelenburgh vers 1620, plus tard chez Van Wittel et Busiri. Mais seul Claude lui donna cette mise en scène dramatique prise depuis le plus bas du sol, l'image presque entièrement remplie, comme il fit au contraire d'autres dessins panoramiques pris d'un point élevé, avec une extension infinie de la vue (ainsi, son tableau de 1645 dans la collection royale anglaise montre une vue plongeante sur Tivoli, s'étendant dans le lointain jusqu'aux coupoles de Rome).

Une fois de plus, ce dessin qui suggère a priori le travail fait sur le motif, est en même temps une composition conçue avec rigueur. La base est constituée de quatre éléments contrastés - petit feuillage, cascade claire qui implique une profondeur non visible, rocher avec plante, zone claire non déterminée - sur lesquels s'élèvent les verticales des rochers, flanqués à gauche par le pilier du pont, et du côté droit par un segment distinct de rochers. Le coin blanc du ciel répond à la zone blanche en bas à droite. Une caverne obscure au centre, au-dessus de la cascade, consolide la base. L'arc du pont ajoute du poids à la masse rocheuse.

La surface cohérente du lavis de bistre renforce l'effet de paroi qui bloque la vue, tandis que l'espace est marqué par la disposition en diagonale des rochers et par le contraste entre les grandes formes du premier plan, allant en sens contraire des rochers, et des bâtiments à peine visibles tout en haut. Sur le chemin, sous le pont, on entrevoit un personnage minuscule. L'image est gérée par la géométrie des verticales et des horizontales, des lignes et des surfaces, du brun et du blanc, mais l'effet spontané et surprenant fait oublier la construction.

Claude fut de toute évidence fasciné par les motifs d'immenses rochers, de cavernes et de torrents sauvages, auxquels il consacra de 1630 à 1645 de nombreux dessins tant au lavis qu'au fusain, souvent parmi ses plus belles œuvres (voir au catalogue de ses dessins les nos 361, 406s., 432-444, 470, 478.481). L'inspiration venant directement du travail sur le motif y est incontestable. Parfois un dessinateur au travail y apparaît au premier plan.

Le dessin exposé ici est particulièrement serré dans la composition et plus poussé dans l'exécution que la plupart des autres vues des rochers de Tivoli. Le papier bleu, d'ailleurs fréquemment employé pendant des siècles, ajoute à l'effet pictural. Une signature, apparemment autographe, est perceptible au verso à travers la monture, comme c'est le cas dans quelques autres dessins très élaborés. Tout cela donne à penser que ce dessin, probablement esquissé sur le motif, fut peut-être terminé en atelier et fut l'objet d'une vente ou d'un cadeau. Il resta inconnu jusqu'en 1984.

Il va de soi que des paysages de rochers aussi spectaculaires ne sont pas l'objet de tableaux de Claude. Toujours est-il que deux des grands tableaux peints en 1636-38 pour le roi d'Espagne, de caractère plus romantique que d'autres, contiennent d'étonnantes parties rocheuses, comme du reste les tableaux de 1642-1644 avec vues de Tivoli. Dans certains tableaux postérieurs de vingt à trente ans, des sujets tels que David à Adullam, Moïse et le buisson ardent, Delphes, l'Origine du corail, inspirent à Claude des compositions monumentales avec de grands rochers, qui rappellent l'expérience des visites de Tivoli. Le XXe siècle a déclaré (ou placé) Claude comme le maître du paysage classique. Le passé l'a mieux compris comme un artiste dont l'intuition savait traduire et interpréter la nature. L'observation de la nature est la source de son inspiration, à laquelle s'ajoute, pour les tableaux, la leçon de son maître Tassi. Ce dessin de Tivoli ne doit rien ni à Tassi, ni à son autre maître Wals. Les seuls modèles, à part la nature elle-même, furent les dessins de Bril, Sandrart (qui ne nous sont pas connus) et Breenbergh.

Marcel Roethlisberger, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, p. 128

Demande d'information/de prêt

La Fondation Jan Krugier se consacre au rayonnement de la collection de dessins en prêtant régulièrement des œuvres pour des expositions. Les demandes de prêt devront comporter une présentation complète du projet.